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Sous la Botte (33)

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Sous la Botte (33)

LES PRISONNIERS. MADAME GRAY.

Soixante-deux prisonniers, dont cinquante-neuf du 137e de ligne et trois du 3e génie, sont arrivés le 11 au soir et ont été enfermés dans l'école Sainte-Anne. Cernés, la nuit même, tout près d'Albert, ils s'étaient rendus après quelques coups de fusils. Le bruit se rependît dans le quartier qu'il se trouvait parmi eux des Saint-Quentinois dont on citait les noms – bien entendu! Or, le 137e était un régiment exclusivement vendéen. Alors, ce fut à qui se précipiterait aux grilles et jetterait du chocolat, du savon, du pain. La sentinelle fermait les yeux quand passa un officier qui se fâcha. La gendarmerie, appelée, fut brutale. Le commissaire Lambert y courut et empêcha un malheur. Le brigadier Schmidt, en effet, lui fit dire par l'interprète qu'il allait ordonner le feu sur la foule «tant celle-ci était hurlante et insultante.» Lambert avait de l'autorité: il obtint le calme et la retraite, mais à la kommandantur on se montra furieux et l'on jura que personne désormais ne verrait plus les prisonniers.

C'est ici qu'apparaît Madame Gray. M. Gray était un honorable commerçant de la rue de la Sellerie dont la femme se donna, dès les premiers jours, comme mission de secourir les prisonniers. C'est une œuvre de miséricorde et elle la remplit sans peur et sans défaillance jusqu'à la fin. Son dévouement était éclatant, mais elle avait donné des preuves de sa discrétion et les Allemands eurent la main assez lâche avec elle. C'est ce qui arriva encore dans la circonstance. Madame Gray, saluée par les gendarmes, franchit la grille apportant trois grands paniersà linge qui firent plusieurs fois le voyage. Elle pourvut à tout et chaque prisonnier reçut une chemise et des chaussettes de rechange plus un paquet de vivres. Le sous-officier préposé à la surveillance lui dit: «Votre pays vous devra de la reconnaissance.»

LA «GAZETTE DES ARDENNES» JUGÉE PAR ELLE-MÊME.

Différents journaux allemands mis en vente à Saint-Quentin publient une sorte de communiqué émanant sans aucun doute de la rédaction de la Gazette des Ardennes et expliquant, avec une apparence de vérité, ce qu'est celle-ci et les raisons de sa création. Le document est à retenir. Le voici:

La presse française, dans les régions occupées par nos troupes dans le Nord de la France, est incarnée par la Gazette des Ardennes.Peu après l'occupation du Nord de la France, les populations, qui étaient complètement coupées de toutes relations avec le reste du monde, manifestèrent le vif désir de se procurer des journaux. Il était hors de question de laisser arriver la presse française haineuse et menteuse. Depuis le 1er novembre 1914, il fut fondé, pour la France occupée, un journal spécial écrit en français. La Gazette des Ardennes parut d'abord une fois par semaine, avec un tirage de 4000. Le but qu'elle se proposait était de donner à la population une image d'ensemble des événements de la guerre et de la politique, de se tenir à l'écart de tout sentiment haineux et, comme elle publiait aussi les communiqués officiels français, de mettre la population à même de juger par elle-même si ces communiqués ou les communiqués allemands relatifs au théâtre de la guerre à l'ouest étaient les vrais. De même les publications calomnieuses de la presse française au sujet des soi-disant cruautés des conquérants, ainsi que tous les mensonges de la presse ennemie, étaient portés à la connaissance du public. Dans quelles proportions le journal répondait aux besoins de la population, les chiffres suivants le démontrent: le troisième numéro a été tiré à 17000; le dixième à 25000. Depuis le commencement de 1914, le journal paraît deux fois par semaine; il est arrivé maintenant à un tirage de 39000.

Le prix de vente de 5 centimes couvre les frais d'impression du jounal et laisse un petit bénéfice pour les vendeurs.

Le 1er avril, le journal a commencé la publication des nomsdes 250000 prisonniers de guerre internés dans les camps allemands et des soldats français enterrés par les troupes allemandes.

Le rayon d'action du journal se sont ainsi considérablement agrandis.

Là aussi, la Gazette des Ardennes remplira le but qu'elle s'est assignée de faire connaître au peuple français la vérité que lui cache son gouvernement, et de traiter avec humanité la population des régions occupées.

Nous retrouverons la Gazette des Ardennes.

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