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Œufs de Carême et Œufs de Pâques

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Œufs de Carême et Œufs de Pâques

La consommation des œufs- Le mirage

-Les œufs rouges-Les cadeaux

du Moyen-Âge et les cadeaux d’à

présent- Œufs décorés et

Œufs garnis. - Une

mode coûteuse

Avril n’apporte pas seulement aux gourmands et aux coquettes les œufs de chocolat ou de sucre enrubannés, décorés et garnis. Il fait abonder aussi les œufs frais, car c’est le moment des grandes pontes. Il suffit de passer quelques instants aux halles de Parus pour se rendre compte du rôle important qu’ils jouent dans notre alimentation. On croit à tort que notre pays assure seul sa consommation. La vérité c’est que la plus grande partie des œufs vendus sur nos grands marchés proviennent du Maroc, de Bulgarie, de Belgique et de Hongrie. Seuls les œufs à la coque sont fournis par la Normandie, le Centre et le Midi de la France, les œufs étrangers perdant un peu de la longueur du voyage et des manipulations dont ils sont l’objet.

Ils sont d’ailleurs soumis les uns et les autres à l’opération du mirage qui a pour but de fixer leur degré de fraîcheur ; dans un coin sombre, un homme assis devant une bougie prend des œufs dans une manne et les place l’un après l’autre auprès de la flamme en les roulant entre ses doigts ; si l’œuf est frais ; il apparaît d’une transparence limpide ; si, au contraire, une tâche se montre à l’intérieur, c’est qu’il est mauvais. Un bon mineur examinera ainsi plusieurs milliers d’œufs dans une journée et détail curieux seule la lumière d’une bougie permet le mirage parfait. Indiquons enfin que les œufs piqués sont employés pour la fabrication des échaudés et de la pâtisserie commune.

C’est également en avril, c’est-à-dire au moment où les prix de vente baissent qu’on fait des œufs rouges. Ce serait une erreur de croire que ceux-ci sont d’une qualité inférieure car ils sont au contraire choisis parmi les meilleurs, ceux qui sont les plus pleins et qui peuvent par suite, mieux résister aux manipulations nécessitées par la cuisson. En effet, on pense bien que les œufs ne sont pas mis dans l’eau bouillante par petites quantités. On les place par cinq cents dans des corbeilles d’osier et on les plonge ainsi un bain chaud coloré d’aniline où on les laisse durcir.      

Parlons à présent des œufs qui, déjà s’alignent aux étalages et dont l’origine se perd dans la plus haute antiquité. On explique la tradition de deux façons différentes. Les uns prétendent que les premiers chrétiens virent dans l’œuf, à cause du phénomène de l’éclosion, un symbole de la Résurrection du Christ. D’autres sont plus prosaïques et ceux-là me semblent avoir raison. Ils rappellent que l’Eglise interdit longtemps l’usage des œufs dans le carême. Or, comme il était pénible de s’en priver pendant quarante jours, c’était pour tout le monde une grande joie de voir cesser le temps d’abstinence. Et pour marquer cette satisfaction, on avait pris coutume de s’offrir à Pâques, entre amis et voisins, comme des cadeaux précieux, ces œufs dont on avait sevré si longtemps.

Cependant, pour donner plus de prix à ceux-ci, on les faisait bénir à l’église dans les derniers jours de la semaine sainte ; puis on prit l’habitude de les décorer chez les riches et de le teindre en rouge ou bien chez les pauvres.

Au Moyen-Âge, le jour de Pâques, les étudiants et les clercs de la basoche s’assemblaient sur la place publique au son des sonnettes et des tambours. Les uns portaient des étendards burlesques, les autres étaient armés de lances ou de bâtons. Ils se rendaient en cohue avec un tapage horrible à la porte de l’église principale du lieu. Là, ils chantaient en cohue et avec un tapage horrible à la porte de l’église principale du lieu. Là, ils chantaient laudes, puis ils se répandaient dans la ville et quêtaient des œufs de Pâques comme font encore les enfants de certaines provinces.

A la même époque, l’usage était de porter au roi, après la grand’messe des œufs dorés et enjolivés qui constituaient parfois de véritables objets d’art. On a conservé longtemps à Versailles, des œufs ornés de peinture de Lanoret et de Watteau qui avaient été offerts par des gentilhommes de la cour à Mme Victoire de France, l’une des filles de Louis XV.

« La coutume des œufs de Pâques aboutit à un véritable abus, écrivait un chroniqueur du XVIIIe siècle, certains cadeaux sont d’un prix élevé par la façon artistique dont ils sont décorés. »

Que dirait-il s’il vivait à notre époque ?  Jadis, en effet toute la valeur d’un œuf résidait dans sa garniture extérieure ; aujourd’hui, on ne s’attache plus qu’à la garniture intérieure. En effet, œufs de sucre ou de chocolat ne comptent point s’ils ne contiennent quelque bijou, quelque dentelle et Charles IX a pu changer le calendrier, le jour de l’an a beau n’être plus en avril, nous avons peu à peu repris les coutumes d’alors, tout en conservant celles créées d’alors, tout en conservant celles créées depuis. Nous avons deux distributions d’étrennes pour le grand dommage de notre bourse.

Marcel France

Grand Echo de l’Aisne. 15 avril 1922.

Médiathèque Guy de Maupassant ; Saint-Quentin   

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