C'est aujourd'hui, par la plus belle journée du printemps que l'on puisse rêver, qu'a eu lieu le mariage des rosières saint-quentinoises.
A 10 heures précises, la Grand'Place est ensoleillée, une foule joyeuse et bruyante se presse; on entend des harmonies qui s'approchent puis le cortège parait, l'Harmonie municipale en tête, dirigée par M. Amandio, professeur à l'école de musique; puis les officiels M. Lejeune, adjoint; Mm, Charles-Deschamps, Toulouse, Grozo, Sarazin, Tricoteaux, membres du bureau de bienfaisance.
Derrière eux viennent les cinq petites mariées aux bras de leurs pères. Gentiment drapées dans leurs tulles et joliment coiffées de fleurs d'oranger, elles ont des minois charmants et jeunes; jeunes aussi sont les mariés frisés au fer; ils ont des airs sérieux et satisfaits.
Une foule de passants, d'amis, sur leur trente-et-un, les suivent. Beaucoup de jolis enfants tiennent à la main des fleurs. Il y a aussi les sous-officiers obligatoires.
C'est tout à fait printanier et gai.
Une fois dans la salle des mariages, on annonce M. le Maire et le cortège officiel fait son entrée. C'est M. Lejeune, adjoint, qui fait office de maire. Il marie les cinq couples, félicite les jeunes filles, de leur bonne réputation et prononce le discours suivant:
Jeunes époux,
C'est avec un bien vif plaisir que je viens vous offrir au nom de mes dévoués collègues du bureau de bienfaisance et du mien mes sincères félicitations et nos meilleurs souhaits de bonheur.
Votre union, que je viens d'avoir l'honneur de sceller légalement, commence sous les meilleurs auspices, puisque Mesdames vous avez été choisies, toutes cinq, comme remplissant les conditions requises par le testateur, l'abbé Chantrel, c'est-à-dire possédant toutes les vertus et l'estime générale et digne par conséquent du titre de rosières.
C'est à cet heureux titre que vous avez été appelées à bénéficier du legs annuel de ce généreux donateur.
Ce legs consiste, cette année, en une somme de 500 francs qui vous sera versée après la cérémonie religieuse ainsi qu'un livret de caisse d'épargne de 400 francs.
En plus une médaille commémorative de votre mariage va vous être remise par notre nouveau vice-président du bureau de bienfaisance.
Continuez Mesdames à vous faire remarquer dans votre ménage par vos vertus familiales, votre fidélité à vos époux auxquels vous venez de vous lier et vos soins jaloux à les rendre heureux par vos qualités de bonnes ménagères propres, travailleuses, économes, enjouées.
Sans être coquette à l'excès, ayez une mise et une tenue convenable, et que surtout, une bonne humeur, accueille toujours vos maris, c'est la meilleure façon de les retenir et de les garder.
Quant à vous, Messieurs, vous avez, n'en doutez pas des devoirs sérieux et impérieux à remplir, comme chefs de famille, pour la sage direction et la bonne harmonie de vos ménages; vous venez librement d'en assurer la charge, j'aime à espérer que vous n'y faillerez pas.
Aimez l'ordre et le travail; usez de patience et d'indulgence, car tout ne va pas toujours comme l'on désire dans notre existence; fuyez les cabarets où l'on perd sa santé et son argent en même temps que son temps et sa maison; inculquez aux enfants que vous pourrez posséder le respect de la famille et l'amour de la patrie, tenez fermement à les faire instruire et donnez-leur vous-même, par vos exemples et vos conseils, une éducation tendant à en faire des hommes ou des femmes aimant la liberté dans l'ordre établi par la société et le respect de tous.
Ce sont là, Mesdames et Messieurs tous mes vœux les plus chers que je me plais à vous adresser dans cette inoubliable cérémonie.
Puis M. l'adjoint se dirige vers les mariées et leur administre de retentissants baisers. C'est le tour de M. Charles-Deschamps, qui; pour qu'il n'y ait pas de jaloux, réembrasse les jeunes femmes et leur offre une médaille commémorative.
Le cortège se met en route au son de la musique sous le soleil toujours de la fête.
Par la rue Saint-André, entre deux haies de curieux, le cortège arrive à la Basilique. Là, les habits noirs officiels ôtent leur chapeau et prennent congé. On ne pénètre pas dans ce mauvais lieu quand on est laï;que, gratuit et obligatoire.
C'est M. l'abbé Lobjois qui donne la bénédiction nuptiale après un petit discours de circonstance.
Il rappela aux époux leurs principaux devoirs; la fidélité, la douceur, il leur donna des conseils de modestie qui vu la circonstance ne sont pas à dédaigner et enfin les adjure de savoir élever leurs enfants futurs. Pendant toute la durée de la messe l'orgue se fit entendre.
Et la cérémonie finie, la petite prière, le petit merci ayant été dit au chanoine Chantrel, lequel prie depuis quelques siècles derrière le chœur, le défilé sortit de la Basilique au milieu d'une foule encore plus colossale qu'à leur entrée.
Tout le bon populo était dehors et exprimait ses impressions.
- Tout de même disait un garçon boulanger, en tirant sa voiturette, j'aimerai mieux être dans la peau d'un marié aujourd'hui.
Nous souhaitons beaucoup de bonheur aux cinq ménages, comme l'a dit M. Charles-Deschamps.
Les dons sont cette année plus élevés de 100 francs que l'année dernière. Chaque rosière reçoit 900 francs dont 500 francs, immédiatement, et un livret de caisse d'épargne de 400 francs.
Nous rappelons les noms des charmantes mariées de ce matin qui ont mérité de toutes manières les honneurs qui leur ont été si agréablement rendus: Melles Babilotte Pauline, Legrand Marie-Madeleine, Mangin Adélaï;de, Molas Julie-Valentine et Sauvage Clémence-Marie.
Le Journal de Saint-Quentin
Mai 1912
BM Fonds local.
Le mariage des rosières rue Saint-André
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