La question à l’ordre du jour des habitations à bon marché ressuscite celle des bains-douches populaires. On considère trop souvent comme un luxe de pouvoir se laver. Cependant la propreté corporelle est au début même du confort, avec l’hygiène de l’habitation.
Un correspondant nous presse de rappeler le projet dont on a parfois parlé de création de bains-douches populaires:
Monsieur le Directeur.
Votre campagne en faveur des habitations à bon marché est certes d’une utilité incontestable mais croyez- vous que cette réforme soit plus urgente qu’une autre dont on ne parle jamais.
Je veux parler des bains-douches. N’estimez- vous pas qu’à l’initiative de la ville d ‘Amiens (et de combien d’autres en France!) les fonds de bureaux de bienfaisance et de caisses d’épargne, pourraient servir à apprendre les gens à se laver?
Combien oseraient soutenir qu’il leur est possible de se nettoyer convenablement chez eux? À part la classe aisée qui possède des salles de bains combien sont empêchés de se laver par suite de la promiscuité d’enfants, de frères, de sœurs, voire d’étrangers avec qui on vit pêle-mêle
Le taudis est la honte sociale de l’époque, c’est vrai, mais mettez des gens sales dans une maison propre et vous verrez le résultat six mois plus tard.
Le relèvement moral de tous les travailleurs ne peut se faire que par la propreté, parce que si vous donnez à quelqu’un le moyen de se nettoyer, sans être obligé de débourse la valeur d’une demi-journée de travail, il le fera et quand il soignera son corps, il soignera ses vêtements, parce que tout le monde éprouve de la répugnance à endosser du linge sale après s’être nettoyé.
Donc si l’ouvrier devient soigneux, il deviendra aussi plus fier de sa personne et éprouvera moins de parti-pris contre ceux à qui les obligations de leur métier commandent de s’endimancher tous les jours. D’où un rapprochement qui moralement et matériellement ne peut qu’être profitable à tous.
En tous cas il est inadmissible qu’un centre d’industrie comme Saint-Quentin, soit, comme malheureusement trop de nos villes du Nord, sans établissements à la portée de toutes les bourses, qui permettent de donner au corps la santé que seule peut donner la propreté.
Ceux qui disent rechercher des améliorations sociales en ont trouvé par ce système car dans une affaire comme celle des bains-douches, la question d’intérêts pécuniaires n’existe pas et c’est probablement pour cette raison qu’on ne s’en occupe jamais.
Allons faites-nous avoir le bain-douche à 0,25 savon et serviette compris, et vous aurez grandement mérité, etc.
On a dit que si tout le monde se lavait; il n’y aurait plus de socialisme; c’est bien vrai. Malheureusement si l’on fondait un établissement où; pour une somme très minime, ilserait possible de se tremper dans une baignoire, il ne faut pas croire qu’on se laverait beaucoup plus.
Le premier résultat serait de retirer une partie de leur clientèle aux établissements de bains privés. A Amiens et ailleurs, où les bains populaires existent, ils n’ont pas répondu à toutes les espérances.
Si la réduction des prix suffisait à amener la clientèle, depuis longtemps existeraient des établissements privés à bon marché. Cela n’est pas; aussi nous croyons que les bains-douches populaires ne rendraient pas, comme par enchantement les services qu’on en attend.
Certes, ils seraient utiles; le moment est peut-être venu d’en créer à Saint-Quentin, si une étude sérieuse, faite sur place, des résultats donnés ailleurs démontre qu’ils ont rendu de réels services, nous serions les premiers à nous en réjouir.
Mais la société ne serait pas nettoyée, avant comme après, il restera bien des choses à laver.
Le Journal de Saint-Quentin
Mars 1913
B.M. Fonds local.
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