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DU 7 AU 11 NOVEMBRE 1918, la paix commence en Picardie

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Le 7 novembre 1918 à 20H20, les plénipotentiaires allemands arrivent à Haudroy, près de La Capelle, pour négocier et signer un armistice. Je devrais commencer cette causerie par cette arrivée, mais j’ai choisi de commencer par la fin.

            Lundi 11 novembre 1918, il est environ 9H00. Une berline aux phares cerclés de cuivre astiqué s’arrête devant le 52 de l’avenue de Saxe à Paris dans le quinzième arrondissement. Seul le fanion tricolore indique que le passager assis à l’arrière est un militaire. Le chauffeur, un soldat, descend de la voiture et ouvre la portière arrière.

            Képi à trois rangées de feuilles de chêne, manteau bleu horizon, la manche droite porte un crêpe noir… comme tant de français. Ferdinand Foch, maréchal de France, généralissime des forces alliées en France, entre dans l’immeuble, sous les yeux de la fleuriste voisine et de quelques passants qui s’arrêtent.

            Rapidement une petite foule se forme. Foch est entré chez lui, une serviette en cuir sous le bras. Dans cette serviette, une chemise en carton vert contient la convention d’armistice signée au petit matin.

            Ferdinand Foch est venu saluer son épouse Julie et sa fille Marie Bécourt. Il est venu leur dire que cette terrible guerre est finie. Les deux femmes regardent le cadre où sont les photos de l’aspirant Germain Foch, le fils du maréchal et du capitaine Paul Bécourt, son gendre. Les deux hommes sont morts le même jour, le 22 août 1914, au tout début de la guerre.

            La foule s’est amassée sous les fenêtres de l’appartement et réclame le maréchal. Dans la rue, sa voiture est couverte de fleurs. Ferdinand Foch ouvre la fenêtre, il a enlevé son manteau bleu horizon et apparaît dans sa tenue gris fer. Sur ses manches, les sept étoiles d’argent. Une courte apparition et il rentre, ferme la fenêtre, remet son manteau et descend, remonte dans sa voiture qui redémarre. Il va rue Saint Dominique, au ministère de la guerre où l’attend Georges Clémenceau, le Tigre, président du Conseil et ministre de la guerre. Il est environ dix heures.

            Dans peu de temps, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois, les clairons sonneront l’armistice, la promesse de la paix prochaine.

            Mais revenons en arrière.

            Alors que le premier octobre, les troupes du général Debeney entrent dans Saint-Quentin, Maximilien de Bade, cousin de l’empereur Guillaume II et prince héritier du grand-duché de Bade, s’apprête à devenir chancelier de l’empire allemand.

            Le 3 octobre, le ministère finalisé avec l’entrée de libéraux progressistes au gouvernement, Max de Bade peut envoyer par la Suisse cette note au président des Etats-Unis :

‘’Le gouvernement allemand prie le Président des Etats-Unis d’Amérique de prendre en main le rétablissement de la paix, de donner avis de cette démarche à tous les états belligérants et de les inviter à désigner des plénipotentiaires à l’effet de négociations. Le gouvernement allemand accepte comme base de négociations de paix le programme exposé par le Président des Etats-Unis d’Amérique dans son message du 8 janvier 1918 au Congrès et dans ses autres démonstrations ultérieures, notamment dans son discours du 27 septembre. En vue d’éviter une plus longue effusion de sang, le gouvernement allemand propose la conclusion immédiate d’un armistice général, sur terre, sur mer et dans les airs.’’

            Il faudra un peu plus d’un mois de négociations pour faire de cette demande une réalité.

            La nouvelle de cette demande d’armistice est rapidement connue à Paris, dès le 5 octobre. Et la réponse du Président Woodrow Wilson arrive à Berlin le 9 octobre. Il s’agit d’un questionnaire destiné à cerner les intentions exactes des allemands et à leur faire prendre conscience de la réelle portée des quatorze points de la déclaration du président américain.

            Ferdinand Foch a rédigé le 8 octobre, avec le chef d’état-major interallié, le général Maxime Weygand une note ‘’sur les conditions d’un armistice avec l’Allemagne’’. Cette note a été rédigée au quartier général de Foch au château de Bombon.

            Cette note est remise à Clémenceau, Foch y définit trois points importants :

I/ L’évacuation immédiate de tous les territoires occupés y compris l’Alsace et la Lorraine.

II/ De nombreuses garanties concernant le matériel et les installations.

III/ L’occupation des pays rhénans avec l’établissement de trois têtes de pont sur la rive droite du Rhin à hauteur de Radstadt, Strasbourg et Neuf-Brisach.

            Pendant ce temps, la guerre continue. La guerre sous-marine particulièrement. Le 10 octobre, le Leinster un navire postal irlandais et un paquebot japonais, le Hinoro-Maru sont attaqués… près de 900 victimes civiles, en une seule journée. Bientôt la question de la suspension de cette guerre sous-marine sera un préalable à l’ouverture des négociations d’armistice.

            La pression sur terre devient telle que le 12 octobre, alors qu’il est dans un abri bétonné, lors d’une attaque aérienne, à Bosmont-sur-Serre, le kronprinz Frédéric-Guillaume dit au général Schulenburg :

            Le même jour, Max de Bade, après accord du maréchal Hindenburg et de Ludendorff, envoie une seconde note allemande au président Wilson. Le même jour encore, le 12 octobre, Clémenceau est à Soissons dans son train. Mangin lui promet le drapeau français sur Laon dans quarante-huit heures au plus.

            Tout s’accélère. Le 14 octobre, à la Maison Blanche, Woodrow Wilson et son secrétaire d’état aux affaires étrangères Robert Lansing, répondent à la note allemande. Ils exigent l’arrêt complet de la guerre sous-marine. Ils exigent aussi la suppression du gouvernement du parti militaire. Ce qui équivaut à une abdication du Kaiser et probablement à la fin de sa dynastie.

            En Belgique aussi ça s’accélère. Le 15 octobre, le baron von der Lancken demande au cardinal Mercier, archevêque de Malines et primat de Belgique, de faire en sorte que les populations belges n’attaquent pas les troupes allemandes qui vont faire retraite.

            Le jeudi 17 octobre à 1H00 du matin, les lillois expriment leur joie d’être libérés.

            La réponse allemande à la seconde demande américaine du 14 octobre part dans la nuit du 20 au 21 octobre, via la Suisse. Max de Bade a repris la main et obtenu, de l’empereur, l’arrêt de la guerre sous-marine. Un premier pas concret vers des négociations d’armistice.

            Le 23 octobre, le secrétaire d’état américain Lansing répond aux allemands en durcissant encore la position américaine. Ce qui, le 24, met en colère Ludendorff. Lors d’une réunion du gouvernement, le ministre Matthias Erzberger envisage le limogeage de Ludendorff. C’est la première fois que cette idée est émise à ce niveau de l’état, mais la décision appartient à Guillaume II.

            Le 25 octobre à 6H00, le deuxième bataillon du 79ème R.I., commandé par le lozérien Jean Delmas, appuyé par les chars d’assaut du lieutenant Bagnéris attaque Villers-le-Sec à une douzaine de kilomètres de Saint-Quentin. Bientôt la ligne Hunding est percée. La ligne Hunding doublait la ligne Hindenburg, c’est le dernier rempart, sur cette partie du front, qui tombe. La première armée française est sur la voie de la victoire.

            Pendant ce temps, Hindenburg et Ludendorff, effrayés par les conditions américaines, poussent le chancelier Max de Bade à cesser de négocier et à continuer la guerre. C’est l’empereur qui va dénouer cette nouvelle crise en obtenant la démission de Ludendorff et en refusant celle d’Hindenburg. Désormais la paix peut se faire, d’autant plus que l’armée allemande recule partout où les alliés ont lancé l’offensive.

            Le 27 octobre à 15H00, le ministre von Solf fait envoyer au président Wilson la réponse allemande. L’Allemagne accepte les conditions américaines pour entamer la négociation de l’armistice.

            Le gouvernement allemand va devoir attendre neuf jours la réponse américaine. C’est très long neuf jours dans la situation qui est celle de l’Allemagne. Le 28 octobre, à Wilhelmshaven, port de guerre allemand, les esprits s’échauffent. Ce qui aboutit le lendemain à la mutinerie des marins sur plusieurs bâtiments de la flotte allemande.

            Et pendant ce temps, aux ateliers du Landy, le 28, les ouvriers de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits viennent de finir la transformation de la voiture-restaurant 2419D en voiture-salon-bureau. Le 29, elle est livrée à l’armée.

            Le 30 octobre, Guillaume II arrive à Spa. Il a quitté Berlin sur la pression de son entourage inquiet de la tournure des évènements dans la capitale. Le Kaiser a nommé le général Wilhelm Groener pour succéder à Ludendorff. Groener est un spécialiste des chemins de fer et sa mission principale est d’organiser le repli des troupes et du matériel en Allemagne.

            A Kiel, le 3 novembre, l’amiral Souchon ne peut empêcher la mutinerie de s’étendre et, en fin d’après-midi, les premiers morts de la révolution allemande tombent. Le gouvernement allemand doit, maintenant, réagir vite. Le 5 novembre, vers midi, lors d’un conseil de cabinet, le chancelier Max de Bade déclare :

            Max de Bade doit reprendre son souffle car la suite est difficile à dire :

            Le général Groener approuve et Matthias Erzberger accepte de conduire la délégation. Il sera assisté d’un diplomate, le comte André Oberndorff. Le reste de la délégation est à constituer.

            Ce même 5 novembre, en début d’après-midi, le secrétaire d’état Robert Lansing remet à l’ambassadeur suisse la réponse tant attendue par le gouvernement allemand : ‘’Je suis chargé par le Président de vous prier d’aviser le gouvernement allemand que le maréchal Foch a été autorisé par le gouvernement des Etats-Unis et par les gouvernements alliés à recevoir les représentants dûment accrédités du gouvernement allemand et à leur communiquer les conditions d’un armistice.’’

            La dépêche chiffrée part pour Berlin dans l’heure.

            Le 6 novembre, dans la matinée, Foch choisit le lieu où se déroulera la négociation. Il veut un lieu discret, loin des journalistes, isolé, ce sera Rethondes. Car il a choisi d’utiliser son train où a été accroché la voiture 2419D. Pour le moment, le convoi attend au dépôt de La Chapelle à Paris.

            C’est Pierre Toubeau, sous-chef de service au réseau Nord et inspecteur de l’exploitation, mobilisé au Grand-Quartier-Général, qui trouve dans l’après-midi du 6 novembre l’endroit idéal. Près de la gare de Rethondes, un épi de tir a été aménagé au début de la guerre dans une clairière. Les voies ne sont pas en très bon état, mais feront l’affaire.

            Le même jour, 6 novembre, à 15H30, le lieutenant Hengy, qui commande par intérim la troisième compagnie du premier bataillon du 171ème R.I., avant-garde du 19ème B.C.P qui obéit au chef de bataillon Ducornez, reçoit l’ordre de se porter en vue de La Capelle. L’ordre précise ‘’les boches auraient, à l’heure actuelle, évacué La Capelle.’’

            Ce même 6 novembre encore, à 17H00, à la Hauptbanhof (gare centrale) de Berlin, Matthias Erzberger, André Oberndorff et le général Detlof von Winterfeldt reçoivent l’enveloppe contenant les pouvoirs qui vont permettre de négocier au nom du gouvernement allemand. C’est le télégraphe de la radio allemande, installé à la station de Nauen, près de Postdam, qui envoie aux français la nouvelle de l’arrivée des plénipotentiaires allemands. Leur train roule vers Spa.

            En cette fin d’après-midi du 6 novembre, le général Hucher, chef d’état-major du général Debeney, confie au commandant de Bourbon-Busset la mission de recevoir dans les lignes et d’accompagner jusqu’à Ferdinand Foch la délégation allemande. François de Bourbon-Busset est né dans le Bourbonnais. Sa famille, branche naturelle des Bourbon, issue d’un Bourbon évêque de Liège, a toujours servi le pays et compte, à travers l’Histoire, plusieurs officiers généraux. Le plus royal des officiers français recevra la délégation allemande.

            Peu avant minuit, toujours ce 6 novembre, Maxime Weygand est réveillé par le commandant Riedinger qui lui tend la dépêche allemande. Weygand réfère à Foch et fait envoyer un message au président du Conseil Georges Clémenceau. Il est 0H30, le 7 novembre, la fin de la guerre se dessine.

            Vers 1H30, le général Debeney est réveillé et prend connaissance d’un message de Foch. Logiquement c’est chez lui que les plénipotentiaires allemands vont arriver.

            A 6H15, le train qui doit prendre en charge les allemands pour les amener dans la clairière de Rethondes quitte discrètement la gare de Chantilly. Dans ce convoi ferré, le wagon-salon de Napoléon III, le vaincu de la précédente guerre.

            7H15, le capitaine Marius Lhuillier, qui commande le premier bataillon du 171ème R.I., le chef du lieutenant Hengy, reçoit des mains du caporal Arbonnat un message ‘’confidentiel et secret’’. Il le lit deux fois, puis sort son carnet d’ordres et écrit sur le feuillet 49 au lieutenant Hengy qui va entrer dans La Capelle : ‘’7H30. Route nationale de La Capelle. 1.000 mètres ouest de la forêt de Nouvion. Capitaine Lhuillier, commandant 1er bataillon à commandant de la 3ème compagnie :

I/ Vers 8H00, vers La Capelle, une automobile boche parlementaire se présentera sur la route ;

II/ Ne pas tirer ;

III/ Dès l’apparition du drapeau blanc : 1/Arrêter ; 2/Ne plus tirer.

Signé Lhuillier.

Et il ajoute après sa signature : ‘’Les officiers garderont le secret jusqu’au dernier moment.’’

            Vers 8H00 indique l’ordre. Ce sera plus tard, beaucoup plus tard, plus de douze heures plus tard que les allemands arriveront. Au moment où le capitaine Lhuillier rédige cet ordre et le fait porter, vers 7H30, le commandant de Bourbon-Busset est près de Buironfosse. Encore une dizaine de kilomètres et il sera à La Capelle, le but de son voyage sur une route en mauvais état. Il devine que le retour sera difficile.

            A 7H45, le lieutenant Hengy et ses hommes entrent dans La Capelle. Sur les indications d’un jeune garçon, il fait vingt-et-un prisonniers. Vingt-et-un allemands qui n’aspiraient plus qu’à finir cette guerre.

            A 8H30, le train destiné à convoyer les allemands arrive à Tergnier. La gare est en ruine.

            Un peu après 9H00, les commandants Ducornez et de Bourbon-Busset, qui viennent de faire connaissance, arrivent à la villa Pasques. La pancarte indiquant ‘’Kaiserliche Kreis Kommandatur’’ est toujours en place. La villa appartient à un notaire Maître Pasques et était habitée avant-guerre par son neveu, le constructeur automobile Panhard. Les deux officiers y trouvent les tartines de pain beurré destinées à l’officier allemand qui est parti au petit matin.

            Pendant ce temps, le lieutenant Hengy et ses hommes ont progressé et sont arrivés en vue d’Haudroy. Ils ont d’abord fait deux prisonniers, deux sentinelles un peu désœuvrées. Puis six autres allemands en avançant encore un peu. Et ils sont revenus à la côte 232, en vue d’Haudroy. Ducornez demande à ses hommes de ne plus quitter cette position et de ne pas accepter de tentatives de fraternisation. A plusieurs endroits de ce secteur, des soldats allemands ayant probablement appris l’arrivée de leurs plénipotentiaires, pensent que la guerre est finie ou bientôt finie…

            Vers 13H00, le commandant de Bourbon-Busset prend connaissance d’un message du général Debeney, transmis téléphoniquement par le général Hucher : ‘’Les parlementaires arriveront entre 16H00 et 17H00. Les autos et les chauffeurs resteront à La Capelle sous garde spéciale : ils seront nourris et gardés par les soins du 31ème corps. Les dix personnes constituant la mission monteront dans les autos qui les attendent et seront amenées d’abord à Homblières, au Q.G. de la 1ère armée, sous la conduite du commandant de Bourbon-Busset. La mission est dirigée par Mr le ministre Erzberger. Toutes précautions seront prises par le 31ème corps pour assurer le passage des voitures sur les routes et le bon ordre du mouvement. Le général commandant la 1ère armée donne l’ordre que la formalité du bandeau ne soit pas appliquée.’’

            Cette dernière phrase est importante, il était de tradition de bander les yeux des plénipotentiaires pour qu’ils ne puissent voir les mouvements des troupes et le matériel en œuvre. En ne bandant pas les yeux des plénipotentiaires, ceux-ci vont aussi voir les destructions et, de Saint-Quentin à Tergnier, la politique de la terre brulée, pratiquée par les allemands.

            Coté allemand, vers 11H00 (midi heure allemande), le général Von Anwarter fait choisir par son aide de camp, le baron Von Schmidtek, le trompette qui accompagnera les plénipotentiaires pour leur entrée dans les lignes françaises : c’est l’unteroffizier Arthur Zobrowski du 2ème régiment de uhlans.

            Vers 13H00, la délégation allemande, finalement constituée de Matthias Erzberger, du général von Winterfeldt, de l’ambassadeur André Oberndorff, du capitaine de vaisseau Vanselow, du capitaine-interprète von Helldorff, du capitaine Geyer, du Docteur Blauert un sténographe reconnu, de deux ordonnances et d’un domestique civil,  prend la route dans cinq Mercédès frappées de l’aigle impérial. Les voitures prennent rapidement la direction de Chimay. C’est alors qu’un accident se produit, la voiture de tête, où se trouvent Erzberger et Oberndorff rate un virage et percute un mur ; la voiture suivante, celle de Winterfeldt et de Vanselow la percute. Plus de peur que de mal, on se serre dans les trois voitures restantes et on réduit la vitesse !

            A 13H00, la 3ème compagnie du 171ème R.I. est en position depuis presque cinq heures. Le lieutenant Hengy a établi son P.C. dans la salle de la ferme ‘’Robart’’ où vivent Marcel Gourisse et sa sœur. Dehors il pleut.

            Vers 14H30, la locomotive Nord 3438, dont les chauffeurs sont Hérin et Guerbette et les mécaniciens Mercier et Gourdon, part du dépôt de la Chapelle pour aller prendre en charge le convoi destiné à accueillir le maréchal Foch et les plénipotentiaires alliés. Le convoi du maréchal est composé d’une voiture-dortoir (N°585) équipée d’un central téléphonique ; de deux wagons-lits, le 1888 pour les français et le 1889 pour les anglais et quelques français ; un wagon-restaurant (N°2418) ; une voiture-salon-lit dédiée au maréchal Foch (N°2443) ; d’un wagon-bureau, le 2419D qui vient d’être rénové. Le convoi se termine par un fourgon (N°6120) qui contient un appareil télégraphique Hugues et une voiture de seconde classe attelée à un fourgon-groupe électrogène. Le convoi part du dépôt du Landy vers 16H00 pour arriver avant 17H00 à Senlis.

            Tout est en place pour que… mais les plénipotentiaires allemands n’arrivent pas. Leur progression est freinée dans la zone des combats, notamment par des arbres abattus par les allemands, pour ralentir la progression des français qui les suivent.

            Vers 15H30, trois cavaliers se présentent devant le lieutenant Hengy et ses hommes. Le lieutenant von Jacobi, gravure de mode portant brassard blanc sur sa vareuse taillée sur mesure, monté sur un cheval d’apparat bai brun orné sur sa croupe d’un damier, vient prévenir que la délégation allemande arrivera bien par cette route, à cet endroit. Puis von Jacobi est renvoyé dans ses lignes.

            A 17H30, le capitaine Lhuillier désigne Pierre Sellier pour la mission qui va le rendre célèbre : sonner le cessez-le-feu lors de l’arrivée des allemands et pendant leur transfert à la villa Pasques.

            Vers 17H45, fausse alerte, une voiture allemande porteuse d’un drapeau blanc, se présente. C’est le major Von Behr, il est porteur d’une lettre du général Von Anwarter qui se plaint d’un non-respect du cessez-le-feu qui pourrait mettre en péril la vie des membres de la délégation. On garde les trois allemands et on attend la délégation.

            Dans le même temps, à Senlis, la délégation française composée du maréchal Foch, du général Maxime Weygand, du commandant Riedinger, du capitaine Jean de Mierry, du capitaine Boutal, du lieutenant Paul Laperche, interprète. Les anglais sont représentés par l’amiral sir Rosslyn Wemyss, premier lord de l’Amirauté, le contre-amiral Georges Hope, le capitaine de vaisseau Mariott et le commander Walter Bagot, interprète. Cette délégation quitte la maison de Madame de Bellegarde pour rejoindre le train qui prend alors la direction de Compiègne. Il arrivera dans la clairière de Rethondes vers 19H00. Sur place, les délégués alliés seront assistés par plusieurs officiers et par des techniciens dont l’adjudant téléphoniste Famechon, les soldats dactylographes Emile Grandchamp, Henri Deledicq et Stevenel…

            Près d’Haudroy, on attend maintenant la délégation allemande entre 20H00 et 22H00. Elle passe à Chimay vers 18H00 et une quatrième voiture complète le convoi. Elle arrive à Fourmies vers 19H30, l’attend le trompette Arthur Zobrowski. Il a fixé sur un bâton une nappe blanche du P.C. du général Von Anwarter à Rocquigny. Comme il pense que cette nappe blanche ne sera pas suffisante, il va au 22 de la rue des Carniaux (à Fourmies), dans une maison réquisitionnée par l’armée allemande à Mr et Mme Keller, un couple helvético-français. Il y coupe en trois un long bambou et fixe un drap blanc sur chaque morceau. Ces trois drapeaux sont ensuite fixés sur les Mercédès. Une cinquième voiture s’ajoute au convoi et on repart, Arthur Zobrowski est monté à coté du chauffeur de la voiture de tête avec son drapeau blanc.

            Puis par Wignehies et Rocquigny, la délégation parcourt la quinzaine de kilomètres qui va lui permettre d’entrer enfin en contact avec les français. Il semble qu’à la dernière maison d’Haudroy elle ajoute un drapeau blanc, fixé sur la dernière voiture.

            Entre 20H10 et 20H15, le caporal Sandoz aperçoit une tache de lumière dans le brouillard qui lui fait face. Puis il entend un bruit de moteur. Sandoz va en courant avertir à la ferme Robart. S’adressant à Lhuillier, il lui dit :

            A cet instant de ce récit, je veux citer les noms des soldats français présents à cet endroit et qui vivent ce moment historique. Il y a, bien sur, le capitaine Lhuillier et le lieutenant Hengy. Il y a les sergents Joubert et Nadaud, les caporaux Sandoz, Bertrand et Hachette. Et les soldats Bertron, Cartier, Cattet, Copillet, Debord, Ducert, Fricaud, Girardon, Gaudin, Guiramand, Holi, Huet, Jeanselme, Jonnet, Jomain, Labrosse, Large, Limaud, Loison, Percut et Thomas.

            Le capitaine Lhuillier quitte rapidement la ferme Robart et vient se placer au milieu de la route, juste derrière lui le lieutenant Hengy qui tient une lampe électrique. Lhuillier lève le bras et les cinq voitures allemandes s’arrêtent.

            Von Jacobi sort de la première voiture et le général Von Winterfeld de la seconde. Von Jacobi présente le général au capitaine français et s’efface. Lhuillier se présente et les deux hommes se saluent. Le général von Winterfeldt dit au capitaine :

Lhuillier lui répond :

            Puis le capitaine demande à un des hommes présents à la ferme Robart, l’adjudant Michel, d’aller à cheval prévenir à la villa Pasques. Il monte sur le marchepied gauche de la première voiture et Sellier à droite. Sellier reçoit l’ordre de jouer de son instrument, il faut éviter qu’un soldat tire sur la délégation.

            Capellois depuis seulement quelques heures, Lhuillier fait passer les automobiles par la ville et de nombreux capellois sont dans la rue. Arrivés à la villa Pasques, le général von Winterfeldt présente les membres de la délégation au commandant de Bourbon-Busset qui invite à entrer dans la villa, dans la salle de billard où trône un portrait de l’empereur Napoléon III.

            On passe peu de temps dans la villa et à presque 22H00 on sort. Après avoir indiqué à chacun sa place dans une des cinq voitures françaises qui attendent ; une Delaunay, une Panhard-Levassor, une De-Dion, une Renault et la Ford du commandant de Bourbon-Busset ; c’est le départ pour la seconde étape, Homblières et son presbytère. Plusieurs photos sont prises par le capitaine Taboureau et son opérateur Bilowski lorsque les allemands sortent de la villa, mais elles sont toutes ratées.

            Dans la voiture, où il voyage à coté du commandant de Bourbon-Busset, Matthias Erzberger remercie de ne pas avoir bandé les yeux des plénipotentiaires comme il est habituel en de pareilles circonstances. Puis il s’enquiert de la bonne prononciation du nom du maréchal Foch ; Fock ou Foche ? il ne veut pas faire d’erreur. Dans la voiture du capitaine Brunet, le comte Oberndorff demande si l’on doit appeler Foch ‘’Monsieur le maréchal’’ ou ‘’Excellence’’.

            Il est presque minuit et demi quand le convoi entre dans un village, tourne à droite puis à gauche et s’arrête en face de l’église, devant le presbytère. Il y a peu de personnel dans cette annexe du nouvel état-major du général Debeney. L’essentiel est encore à Beaulieu-les-Fontaines. La délégation allemande est accueillie par le lieutenant Louis Bogrand.

            Celui-ci demande au général allemand combien de personnes dîneront dans la salle principale et combien dans une petite salle annexe. ‘’Sept et trois’’ répond le général et une ordonnance finit la mise en place des couverts. Les sept plénipotentiaires et quatre français prennent place autour de la table, puis c’est le service : Potage crème d’orge, jambon aux petits pois, fromage, riz au chocolat et raisin, arrosé du vin rouge de l’intendance.

            A la fin du repas, les généraux Debeney et Hucher viennent voir la délégation. Le message de Debeney est simple :

            Un court échange entre Debeney et Winterfeldt suit et les plénipotentiaires sont invités à remonter en voiture. C’est cette fois cinq automobiles du G.Q.G. du maréchal Foch qui prennent en charge la délégation. Il est un peu moins de 2H00 lorsque le convoi est en vue de Saint-Quentin. La route est de plus en plus difficile, par Essigny-le-Grand, le convoi atteint vers 3H00 Tergnier et sa gare.

            Vers 3H15, dans cette nuit du 7 au 8 novembre, le train dirigé par l’inspecteur Roux-Durfort est sous pression. Sur le quai, une compagnie de chasseurs rend les honneurs. Le train, dès l’installation des allemands dans l’ancien wagon-salon de Napoléon III, se met en marche, il est 3H45.

            C’est vers 5H30 qu’il arrive dans la clairière de Rethondes, il pleut, les rideaux du train sont tirés. Le général Weygand regarde arriver ce train. A 7H15, il fait demander le commandant de Bourbon-Busset pendant que les membres de la délégation allemande se réveillent et se préparent. On a oublié de faire le plein des réservoirs d’eau du train et les allemands doivent se raser et se laver à l’eau minérale.

            Le jour se lève et les allemands peuvent maintenant voir en face des fenêtres de leur train, un autre train. Celui de Ferdinand Foch qui indique à Weygand qu’il recevra les allemands à 9H00.

            A 7H45, pain blanc et beurre sont servis au wagon-restaurant des allemands. A 8H50, le chef d’escadron Schutz indique au ministre Erzberger le chemin pour aller rencontrer Foch. Un caillebotis de bois d’une centaine de mètres de long, jalonné de gendarmes qui se font face tous les vingt mètres. En file indienne, derrière le commandant de Bourbon-Busset, la délégation se rend jusqu’au train des alliés. Derrière Bourbon-Busset, Winterfeld puis Erzberger, Oberndorff, Vanselow, Geyer et Helldorf. Ferment la marche le lieutenant Boulet et l’inspecteur Morrachini.

            Au pied de la voiture 2419D, le général Weygand se met au garde-à-vous et salue strictement le général von Winterfeldt qui s’apprêtait à lui tendre la main. Puis il introduit la délégation. Les plénipotentiaires montent les trois marches et passent devant le bureau du commandant Riedinger et du capitaine de Mierry. Ils entrent alors dans le grand bureau où se trouvent le vice-amiral Hope et les deux interprètes alliés, le commander Bagot et le lieutenant Laperche. Saluts rapides, il est 9H00 lorsque chacun est à sa place et la porte opposée à celle par laquelle la délégation ennemie est entrée s’ouvre. Ferdinand Foch et Rosslyn Wemyss entrent.

            Foch porte son célèbre uniforme gris fer sur lequel brillent les sept étoiles de maréchal de France. Sur sa tête le képi à trois rangées de feuilles de chêne. Sir Rosslyn Wemyss est dans son uniforme d’amiral-Premier-Lord de la Mer. Pour la relation de ce premier entretien, je cite l’historien Patrick de Gmeline :

‘’ Foch s’arrête devant les allemands, apparemment de mauvaise humeur, l’œil glacial. Il salue militairement puis il ôte son képi et gagne la place qui lui a été réservée, au centre de la longue table. Mais il reste debout. Il fait face à von Winterfeldt, prend à sa droite le général Weygand, qui, lui, fait face à Vanselow. A gauche de Foch, l’amiral Wemyss qui considère, de l’autre côté de la table, Erzberger. A côté de Wemyss, le contre-amiral Hope, qui a Oberndorff en face de lui. A chaque extrémité, au bord étroit de la table, Laperche près de Weygand, et, à l’autre bout, le rittmeister von Helldorff. Le silence, profond, est aussitôt rompu par le maréchal Foch :

Erzberger répond aussitôt en allemand :

L’interprète Laperche traduit simultanément.

La stupeur des allemands est palpable. Foch, imperturbable, poursuit sur le même ton :

Erzberger sort de sa serviette le document remis à la gare de Berlin l’avant-veille. Le maréchal le prend, le tend au général Weygand et se tourne vers l’amiral Wemyss :

Ils sortent tous les deux et se rendent dans le wagon-salon voisin pour examiner les pouvoirs. L’examen est rapide. Foch et Wemyss reviennent :

A cet instant, l’un des officiers d’état-major entre en disant :

Weygand fait un signe à Bourbon-Busset, debout dans un coin. Le commandant va dans le bureau des secrétaires et saisit le combiné.

Une voix répond :

Un silence, puis la voix de Clémenceau lui-même :

Et sous la dictée du Tigre, Bourbon-Busset écrit :

Les armées allemandes ont pénétré dans le Tyrol autrichien, non seulement le gouvernement allemand arrêtera tout mouvement de troupe de ce côté, mais rappellera celles qui ont passé la frontière.

            Pendant ce temps, la conférence a réellement commencé. L’instant est d’autant plus pénible pour les plénipotentiaires allemands qu’ils n’ont pas vraiment prévu les paroles de Foch :

Et celui-ci les présente, toujours en allemand, chaque phrase étant aussitôt traduite par Laperche. A son tour, Foch nomme ceux qui l’entourent, les     anglais d’abord, les français ensuite. Puis, regardant les plénipotentiaires froidement :

A cela non plus, Erzberger n’est pas vraiment préparé. Il répond, l’œil étonné :

La réplique claque comme une balle :

Oberndorff, le diplomate intervient :

Erzberger, oppressé, ajoute alors :

Et le président de la délégation sort la note, s’apprêtant à la lire. Mais Foch l’arrête d’un geste.

La réponse d’Oberndorff et d’Erzberger fuse, simultanée et précipitée :

Les autres assistants, alliés et allemands, retiennent leur souffle.

Puis le général Weygand lit le texte distribué aux allemands et traduit, au fur et à mesure, par Laperche. Au sein de la délégation, si Winterfeldt et Oberndorff parlent le français, Erzberger et Vanselow ont besoin de la traduction. Les allemands sont ‘’sonnés’’ tant les conditions sont dures. Principalement la livraison immédiate de matériel de guerre et de matériel de transport.

            Ce qui importe d’abord aux allemands, c’est l’arrêt immédiat des hostilités pour leur permettre de lutter contre la menace d’une insurrection bolchévique. Foch oppose une fin de non-recevoir. Il faut arrêter cette guerre et presser les allemands pour obtenir un armistice rapide aux conditions fixées par les alliés. Ne laisser aux allemands qu’une marge minime de discussion.

            La dernière clause du texte prévoit la signature de l’armistice sous soixante-douze heures. Les allemands souhaitent vingt-quatre heures supplémentaires pour laisser à leur gouvernement la possibilité d’examiner le texte. Pour Foch, c’est impossible, d’ailleurs la délégation a les pouvoirs nécessaires pour conclure et signer.

            Les deux délégations se séparent peu après 11H00 ce vendredi 8 novembre. Le premier contact a été rude, glacial même à certains moments. Foch a mené ces premières négociations d’une façon ferme et intransigeante. Pendant la réunion, le téléphone a sonné plusieurs fois. Clémenceau se tient informé, il veut être tenu au courant de tout. Si Foch est en charge des questions militaires, donc des conditions d’un armistice, c’est au Tigre que reviendra le rôle de négocier la paix, pour la France, lors d’une conférence qui suivra.

            Foch fait téléphoner à Paris un message court : ‘’Ils sont là, ils sont quatre, ils signeront.’’

            Retirés dans un premier temps dans un wagon du train français, le train mis à leur disposition étant parti remplir ses cuves à eau, les allemands rédigent une dépêche. Et par l’intermédiaire du général Weygand, obtiennent de la porter au Quartier-Général de Spa. Car, oubli inexplicable, si ce n’est la précipitation de leur départ, ils n’ont pas emmené de chiffreur avec eux. Deux chiffreurs et un officier arriveront plus tard.

            A 11H30, un message est télégraphié à Berlin, mais le détail des négociations ne peut suivre cette voie pour des raisons de confidentialité. Le commandant de Bourbon-Busset va donc escorter le rittmeister Paul von Helldorff pour un retour dans ses lignes. En portant cette dépêche à Spa, Hindenburg sera celui par qui tout passe et qui, en définitive, décidera. Il faut mettre fin à cette guerre et faire rentrer l’armée en Allemagne pour éviter la révolution bolchévique. Seul Paul von Hindenburg est en mesure d’agir efficacement.

            Vers 13H00, deux automobiles (on a prévu une automobile de secours) quittent la clairière pour rejoindre les lignes. Pendant ce temps, les allemands déjeunent dans le wagon-restaurant de leur train, revenu de sa corvée d’eau. Un menu de ‘’campagne’’ est servi car, en cuisine, on ne pouvait prévoir la durée de la première conférence : Sardines à l’huile, saucisson, beurre, thon, viande froide, jambon, bifteck et purée en plat chaud, salade, fromage, fruits et vin de bordeaux…

            A 13H45, un radiogramme signé par Winterfeldt est transmis depuis la clairière pour la tour Eiffel, à destination de Spa. Il prévient du passage prochain des lignes par le capitaine von Helldorff. Malgré cette précaution, le passage sera difficile car la guerre continue.

            Arrivé vers 19H30 à La Capelle, le commandant de Bourbon-Busset choisit, au hasard, un clairon, le soldat Philippe Roux, pour l’aider à faire franchir les lignes au capitaine allemand. Il s’adjoint aussi le lieutenant de Kérarmel. Et la voiture conduite par l’abbé Guilloz, un prêtre mobilisé, se dirige vers la cote 232, là où sont arrivés les allemands. Le premier essai de passage de la ligne de front se termine par des tirs de l’ennemi. Cette première tentative est suivie de plusieurs autres le long de la ligne de front. A chaque fois il faut renoncer. Retour à la villa Pasques vers 22H30.

            Vers minuit, un appel téléphonique de l’état-major. Foch demande au commandant français d’insister et de faire passer Helldorff. Le même équipage prend alors la route de Clairfontaine où les allemands étaient encore lors de leur premier essai, puis se dirige vers Rocquigny. Les allemands ont reculé et Bourbon-Busset peut entrer dans le village. Le village est libéré et le commandant français demande aux habitants qu’il rencontre :

L’officier est ému, il demande :

Un rocquignien répond qu’il a recueilli et fait enterrer le corps d’un officier de cavalerie tombé alors qu’il couvrait avec quelques hommes la retraite de son régiment. Le commandant de Bourbon-Busset se fait conduire sur la tombe de son frère Jean. Pour la première fois, il peut se recueillir sur celle-ci. Une rocquignienne a fleuri cette tombe.

            Le pont de Rocquigny a sauté et l’Helpe est trop grosse et trop rapide pour être franchie à pied. Pour la seconde fois, il faut renoncer et rentrer à La Capelle. Peu après 3H00, lorsque le commandant français rend compte par téléphone, il en profite pour annoncer la libération de Rocquigny. De Rethondes, on lui conseille de chercher un autre itinéraire pour franchir les lignes allemandes.

            Vers 4H00, troisième départ, direction Wignehies. Là aussi les ponts ont sauté et franchir les lignes s’avère impossible. A Spa, Hindenburg s’impatiente.

            Cette journée du samedi 9 novembre est difficile pour la maréchal allemand. A 9H00, le nouveau premier-quartier-maître-général, le général wurtembourgeois Groener déclare à l’empereur :

A l’empereur qui lui répond :

Groener réplique :

Sur un regard de l’empereur, Hindenburg déclare :

Dès lors, Guillaume II sait qu’il doit abdiquer, ce qu’il fera dans l’après-midi. Et Hindenburg sait qu’il a les mains libres pour conclure l’armistice, même aux conditions des alliés. Pour l’instant, Hindenburg ignore ses conditions, Helldorff n’ayant pu passer les lignes, mais il se doute de leur dureté. Il lui faut savoir. Aussi, ce samedi 9 novembre à 10H35, la tour Eiffel reçoit un message de Spa : ‘’le rittmeister von Helldorf n’est pas arrivé dans les lignes allemandes. Veuillez envoyer une autre personne avec les conditions d’armistice et prévenir le G.Q.G. allié du retard.’’

A la réception du message, Winterfeldt envoie l’ordre à Helldorff de passer les lignes ‘’dans une automobile allemande’’. Le général Debeney donne l’ordre au général Cabaud de tout faire pour que l’émissaire allemand passe. A Buironfosse, le capitaine Marcel Le Lay prend en charge le capitaine allemand et l’emmène à la villa Pasques. Ils montent à bord d’une Mercédès qui y stationne. C’est le clairon Georges Labrosse qui est désigné pour sonner le cessez-le-feu cette fois et c’est parti pour une nouvelle tentative.

            A Wignehies, l’Helpe empêche toujours de passer et on songe à une autre solution. Faire passer les lignes à l’émissaire en avion. Un avion, un Bréguet  se pose même à Mont d’Origny, puis va à Crupilly. Son ordre de mission prévoit qu’il se posera à Morville, sur la route de Dinant. Mais c’est bien par la route que le passage se fera. A 13H30, à Wignehies, la ténacité du poilu fera encore son effet. Des chasseurs du 19ème B.C.P. et des sapeurs du 9ème Génie vont réussir le tour de force de porter les automobiles pour permettre le franchissement de l’Helpe. Puis les deux voitures, l’allemande et la française arrivent à Trélon vers 14H15. Bientôt les premiers soldats allemands sont en vue, un uhlan à cheval et des soldats du 107ème régiment d’infanterie saxon. Le capitaine von Helldorff peut alors rejoindre Spa et transmettre à Hindenburg les conditions alliées.

            Pendant tout ce temps, ce samedi 9 novembre, à Rethondes, les négociations continuent. Peu après 9H00, Erzberger réunit les membres de la délégation pour formuler les demandes d’adoucissement des conditions alliées. Les allemands souhaitent discuter des têtes de pont alliées et de la zone neutralisée en Allemagne. Faire réduire aussi les exigences alliées en matériel ferroviaire et en matériel de guerre. Erzberger demande une entrevue à Weygand et Vanselow, aux deux amiraux anglais.

            A midi, les allemands se restaurent : saumon sauce verte, rôti de bœuf et flageolets, salade, plateau de fromages, mirabelles à la Condé, fruits, café et digestif concluent ce repas arrosé de vin de Bordeaux.

            Le maréchal Foch est absent de la clairière de Rethondes une partie de la journée. Il part, dans la matinée, rencontrer Georges Clémenceau et le général Mordacq à Senlis. Et c’est, comme prévu la veille, Maxime Weygand qui reçoit André Oberndorff et Detlof von Winterfeldt peu avant 16H00. Aux allemands qui demandent des adoucissements aux conditions, prétextant que des clauses trop dures ne permettront pas d’empêcher une révolution bolchévique, il répond :

Vers 18H00 ce samedi 9 novembre, le rittmeister von Helldorff arrive à l’hôtel Britannia à Spa et remet au premier-quartier-maître-général Groener les conditions alliées. A Berlin, Max de Bade n’est plus chancelier de l’empire et c’est Friedrich Ebert, un social-démocrate, qui lui succède avec le titre de ‘’commissaire du peuple’’. La situation est grave.

      A Rethondes, les plénipotentiaires apprennent l’abdication de l’empereur vers 19H00 de la bouche du capitaine de Mierry. Et dans la nuit du 9 au 10, Ebert constitue un gouvernement où Erzberger est nommé, sans en être informé, ministre, à l’intérieur et aux affaires militaires. Dans la nuit, vers 4H30, Guillaume II quitte discrètement Spa. Il va en train, puis en voiture, en Hollande.

      Dans la matinée du dimanche 10 novembre, Foch et Weygand, accompagnés du commandant Riedinger et du capitaine de Mierry, assistent à la messe à Rethondes. A 11H00, Clémenceau fait envoyer à Foch un message dans lequel il demande de s’assurer, avant la signature, que les plénipotentiaires sont bien les délégués du gouvernement de Berlin et qu’ils considèrent ce gouvernement capable d’exécuter l’armistice.

      La vie continue dans la clairière et, au déjeuner du dimanche, les allemands ont, pour hors d’œuvre des radis et du saucisson, puis du homard sauce verte, du bœuf braisé aux carottes et aux petits pois, salade et viande froide, plateau de fromages et fruits complètent ce repas arrosé de Bordeaux.

      En début d’après-midi, dans le train français, on pense à l’après armistice, à son application. Et Foch demande à Weygand de convoquer Philippe Pétain. Il faut, dès maintenant prévoir sa réalisation, notamment si le gouvernement allemand a des difficultés à le mettre en place.

      A 15H00, par radiogramme, par la tour Eiffel, les allemands annoncent l’arrivée d’une seconde délégation, des spécialistes dont les compétences seront utiles pour l’application pratique des conditions de l’armistice, principalement des conditions économiques et de ravitaillement. Elle sera composée du major von Boetticher, du capitaine Koerbler, du docteur Melchior er du conseiller Frisch. Voilà qui rassure les alliés.

      Dans l’après-midi de ce dimanche, voyant que la signature de l’armistice est de plus en plus probable, Foch indique à Pétain que l’offensive prévue en Lorraine, pour le 15 novembre, n’aura pas lieu. Foch a décidé de la fin de la guerre et il en a pris l’engagement auprès de Clémenceau. Plus question de perdre des vies dans une nouvelle offensive si la paix est possible.

      A 19H00, le train français fait de l’eau à la gare de Rethondes. C’est là que le capitaine de Mierry reçoit un appel téléphonique du général Desticker. Celui-ci lui transmet le message qui vient d’être reçu de Spa : ‘’Le gouvernement allemand aux plénipotentiaires auprès du haut-commandement des alliés. Le gouvernement allemand accepte les conditions de l’armistice qui lui ont été imposées le 8 novembre. Signé : le Chancelier de l’empire. 3084’’

      A 20H00, au retour du train français dans la clairière, Laperche remet à Erzberger le message et s’enquiert de ce numéro 3084 qui finit le message. Erzberger lui répond qu’il authentifie la signature du chancelier.

      C’est presque fini !

      Après le dîner, vers 22H00, les allemands reçoivent un nouveau message de la chancellerie, qui concerne les adoucissements des conditions. Puis ils expédient un message chiffré à destination de Berlin. Des chiffreurs allemands étant arrivés dans l’après-midi.

      Entre minuit et 2H00, Matthias Erzberger et sa délégation confèrent dans le wagon Napoléon III. Ils se préparent pour la dernière phase de cette négociation. Erzberger prépare aussi la déclaration qu’il fera quand l’armistice sera signé. Il veut rendre hommage au peuple allemand et faire prendre conscience des risques d’une application trop rigoureuse des conditions d’armistice.

      A 2H05, Erzberger fait savoir à Foch que les allemands sont prêts à signer. Et il est 2H15 lorsqu’ils entrent dans le wagon où se trouvent les alliés.

      S’ensuivent presque trois heures de négociations où Erzberger tente encore d’obtenir des adoucissements aux conditions énoncées par le général Weygand. Et il en obtient. Il obtient une réduction de matériel livré : 25.000 mitrailleuses au lieu de 30.000, 1.700 avions au lieu de 2.000, 5.000 camions au lieu de 10.000… De plus, le délai d’évacuation des troupes allemandes est porté de vingt-et-un à trente jours. La profondeur de la zone occupée est réduite de trente à dix kilomètres, ce qui laisse à l’armée allemande le contrôle d’une grande partie de la Ruhr, zone où vivent de nombreux ouvriers et où le risque d’une révolution bolchévique est important. Les allemands obtiennent aussi que leurs troupes engagées en Afrique se retirent avec leur armement. Enfin les alliés ne fermeront pas les usines de la zone occupée.

      Par contre, non prévu par le texte initial, ils doivent évacuer les troupes qui se trouvent en territoire russe, et celles qui se trouvent en Tyrol autrichien ou en Hongrie.

      L’armistice est conclu pour trente-six jours, avec possibilité de le prolonger jusqu’à la signature d’un traité de paix.

      Il est un peu plus de 5H10 ce lundi 11 novembre 1918, Ferdinand Foch propose d’adopter l’heure officielle de 5H00, ce qui permet l’application à 11H00.

      Le général Weygand demande alors au soldat Deledicq de taper le dernier feuillet de la convention d’armistice en laissant la moitié de la page en blanc pour laisser la place aux signatures.

      Les soldats Grandchamp et Stevenel entreprennent aussitôt de dactylographier les autres pages du texte. Il faut très peu de temps à Deledicq pour taper, sur une Underwood américaine, les dix-sept lignes. Il laisse en blanc un espace que complète Weygand : ‘’5 heures’’, suivi entre parenthèses par : ‘’cinq heures’’  en lettres et précisé en dessous par ‘’heure française’’.

      C’est le capitaine de Mierry qui fait faire au document le tour de la table en commençant par les allemands. Foch accepte une courte suspension de séance pour qu’Erzberger puisse faire envoyer un message à son gouvernement.

      A la reprise, Erzberger lit la déclaration écrite quelques heures plus tôt, traduite au fur et à mesure par Laperche :

Il est 5H30 lorsque les délégués se séparent sans aucune poignée de mains. Ferdinand Foch fait envoyer ce message aux unités :

                  1/ Les hostilités cesseront sur tout le front à partir du 11 novembre, 11H00 (heure française).

                  2/ Les troupes alliées ne dépasseront pas, jusqu’à nouvel ordre, la ligne atteinte à cette date et à cette heure

                  3/ Toute communication avec l’ennemi est interdite jusqu’à la réception des instructions envoyées aux commandants d’armées.

      Vers 7H30, un photographe, le commandant Bontemps prend la célèbre photo des alliés au pied et sur les marches du wagon.

      Ferdinand Foch, qui a récupéré le porte-plume qui a servi à la signature, peut ensuite aller à Paris.

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