Nous avons tous dernièrement, à propos de la réorganisation du musée, émis le voeu qu'un petit coin y soit réservé aux souvenirs de Jumentier. Cette modeste proposition a recueilli tous les suffrages: la municipalité y donne les mains, c'est l'avis de M. Eck, le conservateur du musé, et les quelques saint-quentinois qui ont été appelés à se prononcer sur le rangement de nos collections s'en sont déclarés formellement partisans.
Il nous reste de Jumentier trois pièces de tout premier ordre : son portrait, agréable petit chef- d'œuvre de Pingret, professeur de l'Ecole gratuite de dessin, ses manuscrits qui ont été quelque peu pillés mais que Félix Raugel s'offre généreusement à remettre en ordre, et son clavecin qui est une pièce charmante; il n'y manque rien, mis il est tout disjoint, les cordes métalliques en sont cassées et il y faudrait une assez grosse réparation.
Rappelons d'abord qui fut Jumentier.
Il naquit à Lèves, près de Chartres, le 21 mars 1749; c'est à la maîtrise de la cathédrale de Chartres qu'il apprit la musique et l'harmonie.
Vers la fin de 1776, le chapitre de la Collégiale le fit venir à Saint-Quentin.
Sa réputation comme compositeur et maître de musique grandit au point qu'il allait être appelé à diriger la musique du roi lorsque la Révolution éclata.
Jumentier se trouva à ce moment sans ressource car son emploi ne l'avait enrichi ...
Il donna des leçons, courut le cachet, composa quelques œuvres pour les Patriotes qui les lui demandaient et, à la réouverture des églises, reprit la direction de la maîtrise qu'il continua jusqu'en 1825. Il fit d'excellents élèves.
Charles Gomart dit de lui:
"Les instances des compositeurs les plus distingués ne purent le décider à franchir l'étroite sphère où il se renfermait; sa modestie, la simplicité de ses goûts peut-être aussi l'amour de l'indépendance, le fixèrent au milieu de nous où il vécut apprécié comme il devait l'être, environné de l'estime publique; heureux dans sa condition d'artiste, cachant sous un extérieur sévère la bonhomie la plus touchante, la plus grande simplicité, un esprit orné de connaissances profondes et variées une imperturbable mémoire, meublée de toutes les beautés classiques de l'ancienne littérature qui rendait son commerce aussi instructif qu'agréable."
Aucun Saint-Quentinois s'occupant un peu de musique n'ignore Jumentier; c'est l'ancêtre légendaire.
En 1860, florissait à Saint-Quentin la Société chorale dont M. Armand Vinchon avait été l premier directeur. A l'occasion de la Sainte-Cécile, quelques sociétaires proposèrent d'exécuter dans la Collégiale une messe composée par M. Zéréro, directeur du théâtre et qui, disons-le au passage était un homme de tout premier ordre.
On devait faire pendant la cérémonie une quête dont M. l'archiprêtre Tavernier proposa d'affecter le produit à l'érection dans l'église d'un buste de Jumentier.
Un membre de la commission, M. Harlay, absent le jour du vote, protesta contre cette décision et provoqua quelque tumulte.
la commission donna sa démission, fut réélue à une grosse majorité; la messe fut chantée et bien chantée et la quête produisit 342 francs qui furent déposés dans une banque.
Trois cent quarante-deux francs pour un buste, c'était maigre!
Au surplus, l'idée un peu naï;ve de buste- buste imaginaire, puisque le modèle manque- est abandonnée.
D'autre part, la Collégiale devenue Basilique et placée sous la coupe des Beaux- Arts, n'est plus hospitalière aux effigies profanes.
Enfin, la Société chorale a disparu, bien qu'il reste quelques-uns de ses membres toujours en vie et en voix.
Journal de Saint-Quentin. Octobre 1913
B/M. Fonds local
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